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Fiches pratiques

De la MDA/Agessa à l’URSSAF

En 2017, a été votée la loi pour le financement de la sécurité sociale pour 2018[1], prévoyant une « modernisation » du régime de sécurité sociale des artistes-auteurs. Le 19 décembre 2018 paraissait le décret d’application. Alors, qu’est-ce qui a changé pour les artistes en 2019 ?

Au revoir La Maison des Artistes et l’Agessa, bonjour l’URSSAF-Limousin ?

C’est désormais l’URSSAF-Limousin qui a la difficile mission recouvrir vos cotisations sociales. Ce que cela change pour vous ? Rien. Que vos cotisations sociales soient perçues par l’URSSAF ou par les associations qui en avaient l’agrément jusque-là, pas de bouleversement a priori. Pour les artistes, déclarant en BNC, vous avez fait votre première déclaration de revenus en ligne auprès de l’URSSAF en avril 2020, sur les revenus de 2019.

La MDA et l’Agessa n’ont pas disparues pour autant. Ces deux associations conservent des « missions d’affiliation et de contrôle du champ du régime »[2]. Pour rappel, ce sont les activités que vous exercez qui définissent si vous relevez ou non du régime des artistes-auteurs. Elles sont agréées pour demander des « pièces justificatives » et solliciter l’avis d’une commission ad hoc. Cette dernière est composée de représentants de l’État, des organismes professionnels (syndicats d’artistes-auteurs), de représentants des diffuseurs et éventuellement d’Organismes de Gestion Collective. Leur avis doit être mentionné dans un délai de deux mois après l’immatriculation pour les artistes en BNC, et le versement de la première rémunération en droits d’auteurs pour les déclarants en traitements et salaires. De surcroît, la MDA et l’Agessa voient leurs missions d’informations des artistes-auteurs renforcées.

Gare au début d’activité !

Le montant de vos appels à cotisations trimestrielles est calculé sur la base de l’avant-dernière année. Or, lorsque vous débutez votre activité, ces revenus sont évidemment inconnus. Dans ce cas, le montant des versements trimestriels est calculé de façon « provisionnelle » sur une assiette forfaitaire correspondant à 600 VHS[3] soit 6762 € en 2023.

Vous devez demander, à titre dérogatoire, de cotiser sur une estimation de revenus artistiques de l’année en cours. Cette demande peut être formulée au maximum 4 fois par an.

Assujetti/affilié : changer le sens mais garder le mot, à moins que ce ne soit l’inverse ?

Autre joyeuseté de la réforme, l’affiliation de tous les artistes dès le premier euro perçu. Cela veut-il dire, que vous, femmes artistes, qui prévoyez de faire un enfant, vous pourrez TOUTES bénéficier d’un congé maternité indemnisé ? Eh bien non, pas forcément.

Pour mieux comprendre les incidences, reprenons ce que signifiait, en 2018, l’affiliation au régime de sécurité sociale des artistes-auteurs. Nous sommes tous assujettis à cotisations sociales, dès le premier euro perçu, et sur chaque activité. C’est le fondement du principe de solidarité du régime social français. Par contre, pour valider des trimestres de retraites et bénéficier d’indemnités journalières lorsque vous tombez malade ou attendez un enfant (y compris dans le cas de l’adoption), il faut cotiser un minimum. Ce minimum correspond à 600 fois le SMIC horaire, c’est-à-dire 6762 € en 2023. En résumé : vous gagnez moins de 6762 € de revenus par an, vous avez une prise en charge de vos frais médicaux, mais pas d’indemnisation journalière, et vous ne validez pas 4 trimestres de retraite par an. Vous dépassez ce seuil, vous pouvez bénéficier d’indemnités.

Ce qui a changé en 2019 ? Rien.

Certes, ceux qui déclaraient des revenus inférieurs au seuil seront eux aussi « affiliés », mais ils ne pourront bénéficier des indemnités que s’ils sur-cotisent. C’est-à-dire verser plus de cotisations sociales que la proportion obligatoire en fonction de leurs revenus réels.

Alors pourquoi cette affiliation pour tous ? Et si cela était un tour de passe-passe, permettant, sans aveu de fautes (et donc condamnation et indemnisation) de garantir aux nombreux anciens assujettis de l’Agessa, dont les cotisations n’étaient pas individualisées et qui ne cotisaient pas pour leur retraite, d’être enfin régularisés ?[6]

Le précompte aux oubliettes ?

Tout d’abord, rappelons que le précompte des cotisations sociales (prélèvement à la source des cotisations sociales par les personnes qui rémunèrent les artistes-auteurs) est une obligation. La loi prévoit néanmoins d’être dispensé de cette obligation, sous certaine condition.

Pour les artistes déclarant en BNC, qui vivent dans l’attente du Saint Graal, le fameux formulaire S2062 dit « la dispense de précompte », quasi inexistant pour les auteurs relevant de l’Agessa, la quête est terminée.

Accessoires, complémentaires, environnantes : ces activités dont il faut taire le nom

Depuis 2011, une dérogation permettait aux artistes affilié.e.s de rattacher à leur régime principal de sécurité sociale, les activités dites « accessoires ». Il s’agit notamment des ateliers effectués par l’artiste au sein d’établissements scolaire, pénitencier, hospitalier, de la participation à des rencontres publiques en lien avec le travail de l’artiste, etc. À l’origine de cette dérogation, un assujettissement complexe des revenus aux cotisations sociales : les activités mentionnées étaient rattachées au RSI et les activités artistiques au Régime général. Mais, comme le nom l’indique, ces activités doivent rester accessoires à l’activité principale.

Notez que l’activité principale, se définit non pas par le temps que vous y passez, ou l’importance symbolique que vous lui confiez, mais par le montant des revenus. Problème : nous ne pouvons ignorer que les institutions publiques, et les associations financées par ces institutions, sont plus promptes à rémunérer un atelier de création artistique que des droits d’auteurs.

Effet de la réforme : l’extension de la dérogation à tous les artistes. Il ne vous est ainsi plus demandé de justifier, au préalable, d’un montant minimum de revenus au titre de vos activités artistiques. Où l’accessoire, devient complémentaire.

Nous sommes nombreux à nous inquiéter de cette modification. Parce qu’il semble important de rappeler que l’environnement dans lequel se déroule la plupart de ces activités, incite à les considérer comme des missions relevant d’un travail salarié. Le recours à la prestation (demander à l’artiste de « facturer » son intervention) est symptomatique d’un secteur de peu de moyens. Or, je rappelle qu’un artiste intervenant auprès de scolaires, par exemple, n’est pas protégé en cas d’accident du travail, n’a pas toujours pensé à assurer le matériel qu’il met à disposition, ne cotise pas pour le chômage.

D’autre part, la frontière entre artiste et animateur culturel semble se déliter et il n’est pas certain que cela soit au profit de la création artistique.

Texte initialement paru dans la revue Artinsider, N°11,Février 2019
Autrice : Mathilde Ehret-Zoghi


[1] Loi n°2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale 2018

[2] Décret n° 2018-1185 du 19 décembre 2018 

[3] Le taux horaire SMIC atteint 11,27 € bruts en 2023

[4] Taux de cotisation 2018 sur le revenu majoré de 15%

[5] Pour rappel, les artistes assujettis à l’Agessa, n’était pas immatriculés auprès de cet organisme. De fait, l’Agessa ne leur fournissait pas de dispense de précompte, quand bien même ils déclaraient leurs revenus artistiques en BNC. L’incidence, c’est qu’en plus de cotiser sur une assiette surévaluée (cotisations sur les recettes et non les revenus), ces professionnels ne cotisaient pas pour la vieillesse de base.